vendredi 8 juillet 2011

La Muse égarée - Brian Stableford

Quatrième de couverture

Il y en a, sur Mnémosyne, qui pensent que vous êtes un magicien, Axel... Il y en a qui pensent que vous êtes le Diable en personne. Dans des moments comme celui-ci, je les croirais presque.

Nous sommes dans un empire romain qui dure depuis deux mille ans et dont le fondateur est un César qui n'aurait pas péri sous les coups de Brutus. Sur l'île Mnémosyne, une petite colonie d'artistes qui vit au côté des marins et des pêcheurs attend avec impatience l'arrivée estivale de ses mécènes en villégiature.
Chacune des trois nouvelles de La Muse égarée met en scène un art différent. Dans L'Exposition secrète, c'est la peinture qui est à l'œuvre, et l'inquiétant pouvoir des portraits qui se mettent à vivre...
L'Incube de la Rose met en scène la musique et le duo amoureux d'une harpe et d'une flûte. Les Bras de Morphée voit son narrateur basculer dans le monde de la folie et du rêve, car l'art dont il est question est le morphéomorphisme qui accorde aux amantes du dieu Morphée le pouvoir de diriger les rêves. Mais ce présent a un prix et attire les magiciens avides de pouvoir...

Avis

La Muse Égarée n'est pas un roman entier, c'est la composition de deux nouvelles et d'une novella. 
Néanmoins, ces trois histoires sont toutes reliées entre elles. 
Les actions se passent sur l'ile de Mnémosyne, dans un univers ou César n'aurait pas été assassiné et ou l'empire roman n'aurai pas connu de déclin. Sur cette ile vivent des artistes divers ainsi que des pêcheurs; tous les étés les mécènes et les visiteurs - ainsi que certains autres artistes - viennent sur l'ile.
Les trois récit sont à la première personne et sont vus à travers l'objectif de Axel Rathenius. Axel est un peintre célèbre, mais qui n'a jamais quitté l'ile depuis qu'il y est arrivé. Il a une réputation sulfureuse, qui n'est pas totalement infondée bien que grandement exagérée, et il en est conscient. 
C'est un libre penseur, voir un grand cynique, mais également un amateur de l'art sous toutes ses formes. C'est un plaisir de suivre les histoires via son impression, et voir la façon dont il peut façonner les événements - parfois contre son gré - et ne pas toujours bien envisagé toutes les implications de ces actes. Plusieurs autres personnages sont récurrents - puisqu'on ne quitte pas le cadre de l'ile - mais le plus fameux est Hécate Rains : poétesse à la jeunesse passée et grande amie de Rathenius. 

Dans la première nouvelle, L’exposition secrète, on explore l'art sous l'aspect de la peinture. Choix de première place original puisque Axel est lui-même peintre, mais qui se comprend une fois le recueil refermé.
Un jeune peintre talentueux arrive sur l'ile et pourrait bien concurrencer Rathenius tant sur le plan artistique que des rumeurs sulfureuses. En effet trois des modèles de Jaseph se sont suicider, et les deux peintres vont s'affronter en peignant la jeune sœur de l'une des disparues. A travers ces peintures, nous allons mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette affaire. 
Un petit air de Dorian Gray plane sur ce récit.

Dans L'Incube de la Rose, personnellement ma préférée, Axel va être l’artisan à la fois de la réunion et de la chute de deux amants qui semblent incompatibles. L'art mis en avant ici est la musique, à travers la harpe et la flûte, et l'on regrette de ne pas pouvoir également entendre ce récit. Conrad Othman va demander conseil au peintre et celui-ci lui donnera le conseil qui sert le mieux l'art mais ne peut apporter immédiate satisfaction à l'artiste. 
Ce drame m'a particulièrement touché, et a un petit air de Roméo et Juliette

Et enfin la novella, Les Bras de Morphée, va mettre en avant un art inconnu : le morphéomorphisme, c'est à dire la capacité de modeler ses propres rêves. J'y ai vu une magnifique métaphore sur le pouvoir de l'esprit et de l'inconscient sur notre perception de la réalité et l'influence que nous avons sur elle -mais ça reste une interprétation personnelle-. 
J'ai moins apprécié ce récit en raison du caractère ésotérique de l'art mis en avant, même si le narrateur est un homme qui ne croit ni aux fantômes ni à la magie - il est donc un peu perturbant à suivre. 
Néanmoins l'enquête un peu à la Sherlock Holmes dans ses hypothèses est plutôt plaisante à suivre - même si j'avais quelques soupçons sur le coupable...ou l'un des ?
Bref, la longueur du récit permet de mieux appréhender les esprits des protagonistes et de l'ambiance général qui est pour beaucoup dans tout le dénouement. 
La tragédie est présente partout, et le mélodrame n'est pas là où on le croit. La fin est plutôt surprenante et poignante.

Le ton du récit est vraiment prenant. La façon dont tout est narré, cette poésie rentrée mêlée de philosophie personnelle, est un mélange étonnant et enivrant. On se laisse porter par l'auteur sur les pas de l'art et du pouvoir, au cœur des intrigues, dans le cœur des protagonistes.
L'ensemble est splendide, envoûtant, perturbant et obsédant, mais on ne peut nier son effet. 
C'est un rendu particulier, mais j'y suis sensible et amatrice depuis Léa Silhol.



La muse égarée
Brian Stableford
Rivière Blanche
264 pages
18€

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